Auteur animalier, Julie Delfour est spécialisée en éthologie, science des comportements, et rédige des articles et des ouvrages de vulgarisation scientifique.

Jusqu'à présent elle s'est penchée sur les comportements spécifiques des animaux domestiques, mais également sur les moeurs de quelques animaux sauvages.

 

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JUILLET 2006:Le jeu

Par Julie DELFOUR

 « Je joue, donc je suis »… Le jeu a un rôle prépondérant dans l’acquisition de l’identité. Il se révèle indispensable à la croissance et à l’équilibre du chiot. Chez le chien adulte, il permet de créer ou de renforcer les liens sociaux tissés avec ses partenaires, humains ou animaux.

 Jeu et apprentissages

Le chiot commence par jouer avec ses frères et sœurs. Peu à peu, le jeu devient de plus en plus élaboré. Tous les aspects du comportement adulte prennent forme et sont maîtrisés par le simple fait de s’amuser. Provocations, poursuites, menaces. Le chiot apprend à coordonner ses mouvements. Au cours du jeu, il saute, court, change brusquement de direction, se roule par terre, effectue des départs rapides ou des contorsions parfois spectaculaires. Les relations entre chiots se développent ainsi, avec des combats « pour jouer » où vont se définir, déjà, les statuts de dominant ou de dominé.

 Jeu et socialisation

 Le chiot grandit, et le jeu va l’aider à s’adapter à sa vie de chien adulte. Jouer est un bon moyen d’exercer les postures typiques de communication entre congénères. C’est en jouant avec l’autre que le chiot découvre les postures de la chasse, de l’attaque, de la poursuite ou de la soumission. Les tentatives de « rapt » du jouet d’un congénère et leur résultat seront importants pour décider de son statut hiérarchique. Certains individus pourront simuler des attitudes sexuelles, même si leurs hormones sont encore en sommeil. D’autres pourront s’exercer à défendre leur proie en secouant un jouet en tous sens.

 Sollicitations au jeu

 Quand un chien cherche un partenaire de jeu, il adopte une série de comportements bien spécifiques, tout à fait identifiables par les congénères.

L’offre consiste à apporter un objet au compagnon pressenti, à le déposer à ses pieds (s’il s’agit d’un humain) ou à ses pattes (s’il s’agit d’un autre animal), puis à attendre sa réponse. Parfois, le chien peut s’asseoir devant lui, le fixer d’un regard suppliant et lever une patte avant en brassant l’air. Quand l’autre, homme ou chien, tente de s’en emparer, il saisit alors brusquement le jouet et s’enfuit avec. Si l’autre le poursuit, il a gagné : le jeu est engagé !

La révérence canine est une posture souvent décrite par les comportementalistes. Les oreilles pointées vers l’avant, le chien halète d’excitation. Sa queue s’agite, en position haute. Les pattes avant et le ventre sont couchés sur le sol, comme si le chien s’étirait, train arrière en l’air, en extension.

Le « sourire » du chien est également caractéristique de l’invite au jeu. Babine étirées en arrière, la mâchoire est entr’ouverte sans qu’on aperçoive les dents – les muscles faciaux sont dans la position inverse de celle du chien agressif.

L’incitation à la poursuite fait bondir le chien en avant. Une morsure feinte ou un coup de museau précèdent un autre bond, cette fois en arrière, et une fuite en courant. La fuite réveillant en général chez le compagnon l’instinct de poursuite commun à tous les prédateurs.

Un chien dominant qui veut jouer avec un congénère devra d’abord le rassurer en prouvant ses intentions pacifiques. Il s’allonge donc au sol et montre son ventre, qui est la partie de son corps la plus vulnérable. Cela indique son absence d’agressivité et engage l’autre à accepter de jouer avec lui.

 Ces différents comportements et postures sont totalement inoffensifs. Mais certains d’entre eux peuvent être confondus avec une attitude agressive, et il convient de bien faire la différence. Seul l’homme peut s’y tromper, car entre chiens, le message et clair et ne prête pas à confusion.

 Jeu et comportements violents

 Si dans le jeu le chien reste normalement inoffensif et ne montre aucun signe d’agressivité, il peut arriver que l’amusement initial dégénère en violence. De nombreux chiens jouent de manière brutale, parfois dangereuse. C’est une déviation comportementale qui trouve son explication dans les premières heures du développement du chiot. A quelques semaines, les chiots commencent à simuler des batailles. Avec leurs petites dents pointues, ils s’infligent des morsures douloureuses mais sans gravité. Peu à peu, ils apprennent à contrôler et à doser la force de leur mâchoire, car les morsures finissent par amener le partenaire à interrompre les parties endiablées. Naturellement, cette réaction conduit le chiot à adapter son comportement. Mais les chiens élevés dans l’isolement sont privés de cette phase essentielle de jeu avec l’autre. Sans possibilité de tester les réactions d’un partenaire, ils n’acquièrent pas l’auto-contrôle de leur force.

Ceci peut créer de graves problèmes à l’âge adulte. Pourtant, beaucoup de drames auraient pu être évités en ne privant pas trop tôt le chiot de sa mère et de ses frères et sœurs. Ce sont eux qui lui enseignent, au cours des premiers mois de sa vie, le savoir-jouer, le savoir-vivre…

source www.julie-delfour.com  

AOUT 2006: Le territoire

Par Julie DELFOUR
 
 
Même si la domestication est synonyme de changements chez les espèces domestiques, le comportement du chien rappelle les instincts sauvages. C’est le cas pour le marquage du territoire, qui, du loup au chien, conserve toute son importance. Quelle que soit sa taille et sa race, le chien demeure un prédateur qui définit et défend un territoire…
 
La notion de territoire
 
Le chien est un animal territorial par excellence, même s’il passe son temps dans une maison.
Pour un loup, le territoire est une surface dont les limites sont établies de différentes manières. Il y vit seul ou en meute. Il y aménage sa tanière, s’y repose et le défend contre toute intrusion.
L’« aire d’habitation » inclut le territoire, mais ce sont deux notions différentes, souvent confondues à tort. L’aire d’habitation est plus vaste et sans propriétaire. Elle est constamment prospectée et inspectée au cours des grandes sorties de chasse. Les loups comme les chiens l’utilisent pour chercher leur nourriture. Contrairement au territoire, elle n’est pas délimitée avec précision, et peut augmenter ou diminuer selon le nombre d’individus à nourrir dans la meute et les besoins des animaux.
Chez nos chiens domestiques, les choses sont transposées mais restent les mêmes. La meute devient la famille de son maître. La tanière, c’est la maison, ou la niche, s’il vit dehors. Et elle fait partie du territoire à défendre…
 
Marquer son territoire
 
Le marquage par l’odeur est un bon moyen pour le chien de délimiter son territoire. Une habitude tout droit héritée, une fois encore, du loup. Même les chiens les plus domestiqués, de plus en plus éloignés de leurs instincts naturels, continuent à se plier à des comportements rituels de marquage. Cailloux, troncs d’arbres, arbustes quand ils sont à la campagne. Pneus de voiture, poteaux, boîtes aux lettres et autres excroissances quand ils vivent en ville.
Tous les chiens, mâles ou femelles, s’y précipitent, irrésistiblement attirés par un délice invisible. Ils analysent d’abord le message odorant qui s’y trouve, qu’un autre leur a laissé, puis déposent leur propre odeur en levant la patte et parfois en grattant la terre. Ainsi, le message et la « réponse » sont placés en hauteur, ce qui les rend plus résistants que s’ils étaient simplement déposés sur le sol.
De plus, le choix de ces emplacements stratégiques, toujours les mêmes, permet à chaque chien de détecter facilement l’empreinte chimique de ses congénères et de leur indiquer la sienne.
 
Une multitude d’informations
 
Le marquage systématique a donc plusieurs fonctions : délimiter le territoire, mais aussi connaître le statut social des autres chiens. En effet, les scientifiques ont noté une corrélation entre le marquage et la place du chien dans la hiérarchie. Plus le chien est dominant, plus il aura tendance à marquer fréquemment. Le marquage peut encore jouer un rôle apaisant. Le chien l’utilise pour se rassurer dans des endroits inconnus. Il marquera davantage des lieux où il n’a jamais mis les pattes auparavant. Marquer sert enfin à diffuser des informations essentielles comme l’âge de l’animal, son sexe, son état de santé et même s’il est bien disposé ou en colère.
Alors, quand votre chien tirera sur sa laisse pour aller renifler ces « choses », vous les verrez à présent d’un autre œil et serez peut-être plus indulgents !
 
Comportements associés au marquage
 
Pourquoi mon chien lève-t-il encore la patte alors qu’il ne lui reste plus une goutte d’urine ?
Il n’est pas devenu fou, mais même si sa vessie est soulagée depuis longtemps, l’odeur d’un congénère déposée sur un de ces endroits privilégiés le pousse à vouloir recouvrir cette odeur de la sienne.
Pourquoi mon chien gratte-t-il le sol après avoir fait ses besoins, y compris sur un sol en béton ?
Il existe plusieurs hypothèses pour expliquer ce comportement. Il serait le résultat d’un désir inné de recouvrir ses excréments de terre, comme le font, par exemple, les chats dans la campagne ou dans leur bac. Certains spécialistes du comportement pensent que le chien agit ainsi afin de répandre ses selles et d’en renforcer l’odeur. Mais l’interprétation la plus vraisemblable est qu’il ajoute de cette façon au signal odorant un signal visuel : puisque les excréments ne peuvent pas, comme l’urine, être déposés en hauteur, en un endroit suffisamment visible, il faut gratter tout autour pour que les autres chiens les repèrent de loin.
Pourquoi mon chien tourne en rond avant de déféquer ?
Là encore, plusieurs hypothèses. Piétiner le sol est un signal visuel, comme le grattage. Il peut également s’agir d’un comportement de substitution : le chien piétine pareillement le sol quand il veut rendre le terrain plus confortable avant de s’y allonger.
 
 * * *
 
Tous ces comportements de marquage du territoire peuvent paraître insolites. Pourtant, ils ont tous une fonction bien précise et un seul but : laisser un message aux autres, leur communiquer des informations essentielles dans l’univers canin.
Un moyen efficace de « centraliser » les informations, de les rendre accessibles au plus grand nombre. Une sorte de kiosque à journaux pour chiens, où l’on vient acheter son odeur du matin pour s’informer quotidiennement des nouvelles du monde !

 

SEPTEMBRE 2006: la défense

Par Julie DELFOUR
 
 
Comme souvent en matière de comportement canin, la défense est une affaire d’instinct. A l’instar du loup, son ancêtre, le chien défend son territoire. En respectant quelques règles simples de « savoir-vivre » auprès de son animal, on peut vivre une relation privilégiée avec lui, et l’aimer autant qu’il nous aime.
 
 
Défendre son territoire
 
Le comportement de défense est inné. Il a été entretenu et développé par le processus de domestication. Les hommes ont sélectionné les individus aux aptitudes de garde et de défense les mieux marquées.
Le fonctionnement de ce comportement est simple. Pour le chien, la maison de ses maîtres est l’équivalent de la tanière du loup. Comme lui, il est prêt à la défendre contre toute intrusion. Il peut, dans certains cas, devenir particulièrement possessif à l’égard d’un objet de la maison : il le défendra alors avec acharnement et interdira quiconque de s’en approcher. Il peut s’agir d’à peu près n’importe quoi : un de ses jouets (une balle, un os) aussi bien qu’un objet qui n’a a priori aucun rapport avec lui. Nous connaissons un chien qui protége un arrosoir en plastique !
La plupart des comportements agressifs découlent de la défense instinctive du territoire. Mieux vaut donc éviter de chercher à s’emparer de « ses » objets. Evitez également de déranger votre chien dans son sommeil. L’effet de surprise pourrait le pousser à une agression à laquelle ni lui ni vous ne vous seriez attendus. De même, ne tentez jamais de lui retirer sa gamelle ou de jouer avec lui quand il mange. Selon les spécialistes, plus d’un tiers des attaques sont lancées par un chien en présence d’un objet qu’il considère comme sa propriété.
 
L’attitude défensive
 
Le chien peut simplement simuler une attaque, par jeu, ou pour donner un avertissement à l’intrus, homme ou animal. Il va gronder quand celui-ci s’avance, ou même s’élancer vers lui en montrant les dents, puis s’arrêter brusquement, à quelques mètres.
Si un intrus s’approche de la maison, le chien se mettra à aboyer, pour alerter sa famille. Ce seul comportement suffit souvent à dissuader l’autre de s’approcher davantage. Mais s’il insiste, le chien, tout comme le loup, viendra le flairer ou même l’attaquer pour de bon.
L’expression du chien prêt à l’attaque est caractéristique et facilement identifiable. Oreilles dressées et babines retroussées, il aboie la gueule grande ouverte. Difficile de confondre cette attitude avec celle du jeu !
De nombreuses attaques auraient pu être évitées si l’homme avait compris le langage du chien. En effet, un chien agresse rarement sans avoir au préalable donné plusieurs signes et avertissements.
 
Défense et agressivité
 
Une réaction agressive ponctuelle n’est pas le fait d’un animal constamment agressif et dangereux, mais la conséquence de l’instinct prononcé de défense du territoire.
On peut distinguer plusieurs types d’agressivité liée au comportement de défense chez le chien :
L’agressivité survenue dans des conflits de dominance : le chien attaque pour dominer sa meute, la famille dont il fait partie, ou encore pour s’imposer face à des animaux étrangers, extérieurs à son groupe, qui peuvent vouloir aussi affirmer leur autorité.
L’agressivité par jalousie apparaît quand son maître se désintéresse de lui et caresse un autre chien, ou quand un nouvel animal entre dans la famille.
L’agressivité est parfois liée à la peur ou à la douleur.
Enfin, une forme particulière d’agressivité est à signaler : l’agressivité maternelle, spécifique aux chiennes veillant sur une portée. De même que la louve interdit l’entrée de la tanière où elle garde ses louveteaux, la chienne ne permettra à personne de s’approcher de ses chiots. Seul son maître pourra venir les regarder, en respectant toutefois quelques précautions nécessaires : avancer à pas lents, tête et corps courbés en signe de soumission, pour ne pas exciter la réaction défensive naturelle.
 
Agressivité pathologique
 
Comme nous l’avons vu, les chiens qui attaquent un congénère, un autre animal ou un homme, voire leur propre maître, ne sont pas devenus fous. Ils obéissent, sous le coup d’une impulsion passagère, à un instinct hérité du loup. Cet instinct les pousse à défendre leur territoire, des objets familiers ou, dans le cas des chiennes, leur portée.
Malgré tout, il peut arriver de rencontrer des chiens aux comportements agressifs anormaux. Ce sont alors des animaux malades, souvent victimes de troubles du cerveau. La rage peut être une cause d’agressivité pathologique.
Sans être malades, des chiots qui n’ont pas été suffisamment socialisés à l’homme et aux autres chiens sont parfois anormalement agressifs par peur.
Malheureusement, l’homme cherche rarement à faire la part des choses entre une impulsion instinctive normale et une pathologie réelle. Dans tous les cas, l’animal mis en cause est euthanasié, alors qu’on aurait pu faire appel à un comportementaliste pour déterminer la nature de l’agression et éviter qu’elle se renouvelle. Bien sûr, un animal réellement agressif est dangereux et doit être éliminé. Mais les cas sont rares. Les autres sont simplement des chiens qui se comportent comme se comportent ceux de leur race. Et ceux-là payent de leur vie le refus de faire la différence.

 

OCTOBRE 2006: ABOYER ET HURLER

 Par Julie DELFOUR

 Crier, grogner, aboyer, hurler… Toutes sortes de sons et de vocalises qui sont autant de moyens d’expression. Un vaste répertoire acoustique, un monde sonore souvent associé aux langages du corps, qui révèle de manière subtile l’état émotionnel de votre chien.

 Aboiement de loup…

 Chez les loups, chaque individu possède son propre timbre de voix, toujours reconnaissable par un autre.

Les aboiements sont peu fréquents. Rauques et brefs, ils sont le plus souvent la ponctuation finale d’un hurlement, et servent à dissuader un intrus de s’approcher de leur tanière. Signal d’alerte en présence d’un danger, ils déclenchent une réaction immédiate chez les louveteaux d’une part, qui se réfugient dans la tanière, et chez les adultes d’autre part, qui se rassemblent et cherchent à découvrir l’objet de l’alerte. Quand celui-ci se révèle finalement sans danger, chacun reprend ses activités, mais si la menace se précise, les loups choisissent de fuir ou d’attaquer.

 …et aboiements de chien

 Si les loups aboient rarement et pas plus d’une ou deux fois, les chiens aboient de manière répétée. Une cascade sonore à laquelle tous les chiens du voisinage vont répondre. Les causes aussi sont différentes de celles qui motivent le loup. C’est ici la sélection qui a favorisé les chiens les plus aboyeurs, capables de monter la garde pour leurs maîtres humains. Mais si nos chiens aboient davantage, c’est également parce qu’ils ne peuvent réagir comme le feraient des loups à l’état sauvage. Leur environnement est différent. Ils ne peuvent souvent ni fuir ni attaquer en réponse à une menace. C’est pourquoi ils aboient.

Aboyer est plus fréquemment un signe de peur que d’agressivité. Un chien réellement agressif n’aboiera que brièvement, en guise d’avertissement, avant de vous attaquer. Tandis que l’animal redoublant de voix remplace l’attaque par un surcroît de sons. Il sera donc bien moins dangereux qu’un chien silencieux, contrairement à ce qu’on aurait tendance à croire.

 Hurlements

 Dans le monde sonore du loup, le hurlement est utilisé dans plusieurs circonstances : le salut, le rassemblement de la meute, la recherche d’un partenaire, le rappel d’un louveteau trop éloigné de la tanière, l’inquiétude face à un danger, le marquage du territoire, la défense d’une proie, ou simplement…pour le plaisir !

Les chiens, qui aboient plus, hurlent en revanche beaucoup moins que leurs cousins sauvages. Difficile d’expliquer la signification du hurlement chez le chien domestique. Marque acoustique du territoire ? Langage spécifique et nouvelle facette de la communication entre congénères ? Facteur de cohésion d’un groupe ? On sait qu’il possède sans conteste la faculté de resserrer les liens dans les meutes de loups. Mais il perd un peu de cette fonction primitive pour nos chiens dont les modes de communication avec leurs meutes humaines sont différents.

Seuls quelques chiens se mettent parfois à hurler, manifestant leur joie ou répondant à une « invite » de leur famille : cris d’enfants, instrument de musique, mélodie aux accents aigus. Isolé, enfermé dans la maison ou dans un chenil, un chien peut aussi hurler pour appeler d’autres chiens à son secours, afin qu’ils connaissent son infortune, son ennui, et viennent le délivrer… Votre chien peut donc hurler dans deux situations opposées : quand il est très entouré, ou, au contraire, quand il se sent très seul.

 Jappements, grondements et gémissements

 Le jappement est une marque d’amitié qui accompagne une démonstration plus physique faite de bonds, de mouvements de la tête et de roulades sur le dos. Japper, chez le chien comme chez le loup, s’inscrit dans le rituel de l’invite au jeu.

En fonction du ton, de l’intensité et de la modulation, le grondement traduit quant à lui toutes les nuances de l’agressivité ; du simple agacement à la fureur déclarée. Il ne fait pas bon, pour un homme ou un chien qui entend un tel grondement, de s’attarder sur les lieux et d’insister davantage.

Les gémissements sont longtemps restés ignorés parce qu’à peine audibles. Leur signification n’est pas, comme on l’imagine en se basant sur nos propres comportements, une plainte exprimant la tristesse mais un salut amical ou un signe de soumission.

 Un aboiement de peur, un hurlement de joie, un jappement d’amitié ou un grondement de colère ?…Tout un univers sonore qu’il convient d’écouter avec attention pour mieux comprendre votre chien et ce qu’il cherche à vous dire, en vous« parlant » avec ses propres mots, avec ses propres sons.

 

NOVEMBRE 2006  Attitudes et langage corporel

LES LANGAGES DU CORPS

 Par Julie DELFOUR

 Chez notre chien, chaque mouvement est à interpréter comme un message. Le corps tout entier est un vecteur d’expression et un outil de communication. Oreilles, queue, pattes, faciès, regard… Chaque attitude, combinée à d’autres en des variations infinies, permet d’exprimer une large palette d’émotions.

 Les oreilles

Souples et très mobiles, l’évolution de la position des oreilles du chien traduit des émotions radicalement opposées.

Pointées en avant, elles sont signe de confiance, d’attention ou d’agressivité. C’est l’attitude générale des chiens dominants.

Plaquées en arrière, elles signalent au contraire la peur et sont une marque à laquelle on distingue les chiens soumis et dominés. Face à face, deux chiens dont les oreilles sont plaquées en arrière peuvent également marquer de cette manière l’anticipation d’un combat imminent. Une même attitude, les oreilles plaquées sur le crâne, peut donc révéler des sentiments contradictoires selon le contexte : tantôt la peur et la soumission, tantôt l’agressivité et la provocation.

 Les pattes

 A l’instar de ce que l’on observe chez les loups, la position des pattes du chien peut délivrer autant de messages spécifiques. Il suffit parfois de regarder attentivement la posture de l’animal et la façon dont il est campé sur ses pattes pour deviner son « état d’esprit ». Une stature droite est un signe de confiance, une attitude affirmée de dominance. A l’inverse, un animal fléchi sur ses pattes indiquera à ses congénères sa peur et/ou sa soumission. Lorsque le chien s’allonge sur le sol et avance en rampant, il amplifie ainsi l’attitude de l’animal soumis. La plupart du temps, la position des pattes s’harmonise avec celle de la queue. En combinant les deux, le chien précise davantage la teneur du message.

 La queue

La queue est quant à elle constamment mise à contribution dans les « dialogues » entre chiens. Le chien qui « remue la queue » est devenu une représentation universelle du chien heureux. Au-delà de cette image, il existe de multiples expressions à décrypter au travers des mouvements et des positions de la queue. Une queue portée à la verticale signifie la confiance et le statut de dominant au sein de la meute. A l’inverse, une queue repliée entre les jambes, plaquée sous le ventre, trahit la peur et la soumission. Entre ces deux extrêmes, différents degrés d’inclinaison peuvent permettre de nuancer l’interprétation. Une position intermédiaire peut par exemple trahir l’indécision de l’animal ; ses sentiments ambigus et sa difficulté à « choisir » une attitude déterminée. Sa manière à lui d’hésiter, en quelque sorte.

 Le faciès

 La position retroussée des babines et l’ouverture de la gueule, canines découvertes, annoncent la menace, le défi. En revanche, si les molaires sont apparentes, la gueule à peine plus ouverte, il s’agira alors d’une attitude de peur. Tout est, ici encore, question de degré.

Interrogateurs, pleins de circonspection, les yeux sont également une clef pour saisir ce qu’exprime le chien. Fixer un chien droit dans les yeux est synonyme de défiance, de provocation. Le regard profond et mystérieux de certains de nos animaux évoque celui, si intense et si symbolique, du loup.

Enfin, le nez se révèle très utile pour repérer et décoder un marquage par l’urine ou les excréments. Ce marquage peut être de trois ordres. Il peut s’agir du marquage d’un territoire : les individus dominants envoient un jet d’urine sur un objet bien en évidence à la limite du territoire occupé. L’odeur d’urine est mêlée à des phéromones qui renseignent les congénères non seulement sur l’identité du propriétaire des lieux mais encore, s’il s’agit d’une femelle, sur sa réceptivité sexuelle. Un marquage sexuel est en effet utilisé en période d’amours afin d’indiquer le statut du dominant. Le troisième type de marquage est alimentaire. Il sert dans ce cas à informer les autres loups qu’une cache à nourriture est vide (l’odeur d’urine permettant de couvrir l’odeur persistante de la viande qui s’y trouvait). Un marquage odorant par des glandes situées sous les pattes peut venir « compléter » les précédents lorsqu’un individu gratte le sol.

Les comportements complexes de communication et les formes élaborées de langage chez le chien sont le fruit de ces différentes attitudes, de ces multiples positions et mimiques, isolées ou combinées. Tout un langage, précis et subtil, distillant des informations précises, et dont il est parfois difficile, pour un œil humain non exercé, de saisir les nuances, allant de l’anxiété à l’agressivité en passant par les émotions les plus diverses, parfois contradictoires. Bref, tout un univers à explorer !

 

DECEMBRE 2006  Comportements insolites

Par Julie DELFOUR

 Tous les comportements de nos chiens ne trouvent pas une explication définitive. Même pour les plus éminents spécialistes, certains comportements demeurent mystérieux. Il existe une part d’ombre, une marge entre le comportement et son explication scientifique. Tentons de percer le mystère…
 

Chaque chien est unique

 Tous les comportements ne relèvent pas de schémas préétablis. Car chaque chien est unique, a sa propre personnalité, ses « manies » et son caractère. On ne peut les faire tenir dans un moule qui soit le même pour tous. De plus, le cadre scientifique prend rarement en compte les différences génétiques et les expériences propres à chaque animal pris individuellement. Votre chien peut avoir un comportement étrange qu’on ne trouvera chez aucun autre, tout simplement parce qu’il sera lié à son histoire personnelle et non à l’Histoire commune à tous les chiens. N’est-ce pas d’ailleurs ce qui fait son charme ? Comme chez les êtres humains, derrière les « constantes comportementales » répertoriées et identifiées chez tous, se cachent les petites originalités de chacun, qui rendent les rapports moins fades et la vie moins uniforme.

Si vous essayez d’élucider un de ces comportements qui vous intrigue, il vous faudra en chercher l’origine dans la vie et l’enfance de votre animal. Devenir en quelque sorte son docteur Freud !

Toutefois, même si beaucoup sont liés à une histoire particulière, quelques comportements « étranges » reviennent fréquemment chez nos compagnons domestiques.

 

Frotter son ventre par terre

 Il arrive que le chien frotte son ventre et ses organes génitaux sur le sol, dans une position inhabituelle qui peut prêter à sourire. L’origine de cette attitude est le désir de marquer un territoire. En effet, deux glandes sécrétant des phéromones sont placées de part et d’autre de l’anus. Elles déposent leur signal odorant lorsqu’il défèque, mais aussi quand il se frotte par terre. Parfois, le chien agit ainsi seulement pour soulager des démangeaisons provoquées par des parasites, ou tout simplement pour le plaisir de s’étirer et de se rouler sur le sol.

 
« Se rouler »

 De nombreux animaux prennent un plaisir visible à se rouler de la sorte. Et beaucoup vont le faire sur des lieux à l’odeur nauséabonde : charognes en décomposition, selles d’animaux, dépôts d’ordures… Tout ce qui nous dégoûte au plus haut point attire irrésistiblement notre cher compagnon ! L’hypothèse des spécialistes est qu’un tel comportement aiderait le chien à passer inaperçu en masquant sa propre odeur par une odeur plus forte dans un lieu qu’il ne connaît pas. Il ne cherche donc plus ici à marquer un territoire en y inscrivant son odeur mais au contraire à se faire le plus discret possible, soit pour ne pas attirer l’attention (et l’hostilité) des congénères « propriétaires » des lieux, soit pour se camoufler quand il chasse une proie.

 

Courir après sa queue
Un chien peut également sembler tout à coup pris de folie et se mettre à tourner furieusement en rond en essayant d’attraper sa queue. Ce comportement fait partie de toute une série d’attitudes cocasses visant à attirer l’attention de ses maîtres. Si courir après sa queue provoque la réaction espérée, le chien s’en souviendra et recommencera l’opération aussi souvent qu’il voudra se trouver au centre de vos préoccupations. En cas d’échec, d’autres tactiques sont mises en place. Tel chien aboiera, gémira ou pleurera. Tel autre se mettra à creuser le sol du jardin. Pour capter notre regard, nos chiens sont capables de la plus grande ingéniosité. Il m’est arrivé de conduire ma chienne chez le vétérinaire parce qu’elle léchait une de ses pattes antérieures avec insistance et un air malheureux. Le verdict du médecin était sans appel : « Elle veut que vous vous occupiez d’elle ! ». Et on peut dire que ça a marché… Certains chiens vont parfois jusqu’à faire semblant de chasser des mouches en sautant en l’air. Et leurs maîtres les croient devenus fous quand ils ne font que leur prouver leur intelligence.

 

Tous ces comportements insolites donnent une note originale et sympathique à nos relations avec notre animal. On l’aime pour sa personnalité particulière, et on l’aime pour ses mystères. Peut-être agit-il ainsi pour transmettre aux autres chiens des messages dont nous ignorons encore la signification…

JANVIER 2007:  ENTRE CHIENS  Guide des affinités canines

Par Julie DELFOUR

La plupart des relations qu’entretiennent nos chiens sont bâties sur des rapports hiérarchiques solidement définis, et ce dès les premiers jours de la vie. Chiens adultes et chiots, mâles et femelles, apprennent ainsi à vivre ensemble, à s’aimer ou simplement à se tolérer dans le meilleur des mondes canins possible...

Entre chiots

Entre chiots, la position hiérarchique de chacun se définit dès les premiers mois. Plus forts et souvent plus agressifs, les mâles dominent généralement les femelles, et les mâles les plus gros ont tendance à dominer l’ensemble de la fratrie.

Les stratégies combattives diffèrent selon le sexe des chiots. En effet, tandis que les mâles lanceront un affrontement, les femelles préfèreront jouer en quelque sorte la diplomatie en se contentant d’une simulation de combat, par des grognements, des menaces et des tentatives d’intimidation.

Chez les animaux sauvages, seuls les plus forts survivent et peuvent atteindre la mamelle nourricière. Ce sont eux qui vont naturellement prendre les initiatives lors des moments clefs de leur développement. Les autres chiots les suivront et les apprendront par imitation.

Les jeux entre chiots sont les prémices des rapports hiérarchiques. Le plus agressif de la portée attaque et tente de prendre le dessus, de dominer physiquement ses congénères. Ainsi, un ordre se profile dès les premières semaines de vie.

Entre adultes

Une fois la hiérarchie instaurée entre dominants et dominés, les chiens adultes ont recours à différentes stratégies afin d’éviter les combats. L’intimidation tout d’abord, qui vise à éviter l’attaque. Les chiens aboient, grognent, simulent une attaque. L’apaisement ensuite, utilisé par le plus faible ou le dominé qui adopte une attitude soumise, tête inclinée, démarche ralentie, qui n’est pas sans évoquer parfois celle d’un chiot. Le chiot désarme en effet l’agressivité d’un chien adulte normalement équilibré. La « règle » de la possession peut enfin être privilégiée. Dans ce cas, le chien qui possède en premier un bien le conservera la plupart du temps, même face à un individu de statut plus élevé que lui dans la hiérarchie.

Ces stratégies différentes ont une même origine, héritée des loups : l’instinct de conservation. C’est lui qui va dicter à l’animal une conduite apaisante, quand un combat déclaré risquerait d’occasionner une blessure et de menacer la survie. Si malgré tout le combat a lieu, ce sera après l’échec des avertissements et des tentatives de conciliation. Il marquera la victoire de l’un et la soumission de l’autre, dans un vacarme souvent impressionnant mais finalement peu d’atteintes physiques graves.

Entre adultes et chiots

 Bien que les relations entre chiens domestiques présentent des similitudes avec celles observées chez les loups, la domestication a cependant marqué des divergences. En effet, nos chiens domestiques sont devenus beaucoup moins autonomes que leurs cousins sauvages. Cette dépendance à l’homme modifie les liens sociaux et infantilise les individus. Ainsi, une mère, dans ses comportements, peut être comme un chiot qui élève des chiots… Attachée à son maître dont elle est en quelque sorte restée le chiot, elle peut perdre l’instinct maternel de la louve, voire se montrer jalouse de l’amour que son maître témoigne à ses chiots…

Le père infantilisé de désintéressera quant à lui de la portée et n’inculquera pas aux chiots l’éducation, prépondérante, dispensée par la meute des loups.

Par ailleurs, le chiot jouit d’une relative sécurité et de la protection des adultes. Trop faible, il n’est pas encore considéré comme une menace ou un concurrent hiérarchique. Ses attitudes incitent aux jeux et à la tendresse. Elles inhibent le comportement agressif, sauf exception dans certains cas pathologiques où l’adulte, insuffisamment socialisé, peut s’en prendre au chiot, parce qu’il est malade ou simplement parce que son maître l’aura conditionné à l’agressivité…

 

FEVRIER 2007 : L'INSTINCT PREDATEUR

Par Julie DELFOUR

 L’instinct de prédation est sans doute l’un des plus ancestraux, parmi tous ceux que nos chiens domestiques ont hérité du loup. En étudiant l’histoire des relations entre l’homme et le chien, on voit le rôle paradoxal de cet instinct, à la fois renié et cultivé : la base d’une amitié si particulière et si profonde.

 Le loup et la chasse

Chasser est un comportement inné chez le loup, qui se perfectionne et se diversifie par apprentissage de techniques nouvelles. Un louveteau sera fortement attiré par les mouvements d’une proie qui déclenchera des conduites d’orientation, d’approche et d’attaque. L’odeur du sang le fera naturellement tenter de dévorer la proie.

L’inné tient donc une part primordiale dans le comportement de chasse chez les canidés. Mais c’est grâce à l’apprentissage que ces attitudes innées s’améliorent. C’est en observant le « savoir-faire » des adultes que les louveteaux apprendront à ouvrir une carcasse ou à parfaire leur expérience de prédateur en herbe : attraper la proie, la tuer puis la démembrer efficacement avant de pouvoir la manger.

L’apprentissage s’accomplit à la fois par le jeu et par l’imitation des adultes de la meute. Ceux-ci font participer les petits, au moins du regard, aux poursuites et au harcèlement du gibier. Ainsi, ils acquièrent de manière directe, par l’observation ou par « essais-erreurs », ces techniques de prédation essentielles à leur survie et que chaque loup se doit de maîtriser.

 Techniques de chasse des loups

 Il ne semble pas exister de stratégie préétablie en matière de chasse.
On peut tout de même dire que les loups ne sont pas des chasseurs adeptes de l’affût mais de la chasse en groupe. Seul, un loup est en effet bien moins efficace qu’en couple ou, mieux, qu’en meute. Plus les individus sont nombreux, plus ils sont en mesure de s’organiser et de surveiller, observer, repérer tour à tour les animaux les plus vulnérables. Ils encerclent un troupeau et parfois guident l’animal choisi (une bête malade ou plus faible) vers un loup qui l’attend en embuscade. C’est collectivement qu’ils chassent, traquent et viennent à bout d’une proie. Très endurants, ils peuvent engager une poursuite sur plusieurs kilomètres. Ils se relaient alors, tandis que la proie se fatigue, jusqu’à ce qu’un ou deux individus lui mordent les pattes postérieures et la forcent à s’écrouler sur le sol. Une fois tombée, elle ne se relèvera plus, et tous les loups de la meute, dans un ordre respectant la hiérarchie, participeront à la curée.

 Prédation et domestication

 Selon les ethnologues, l’instinct prédateur serait à l’origine de la domestication du loup par l’homme. Depuis des siècles, la sélection a joué sur cet instinct. L’homme a mis à profit ce qu’offrait l’instinct à l’état primitif, en le transformant et en l’adaptant aux tâches que devait remplir chaque race de chien créée.

Dans la manière de travailler des chiens de bergers, on retrouve la technique d’encerclement développée par les loups. Le Border Collie par exemple se sert de l’instinct prédateur non plus pour tuer mais pour rassembler, conduire et diriger les troupeaux. Il devient en quelque sorte le gardien de ses anciennes proies ! Un paradoxe que l’homme a su maîtriser au cours des âges, pour créer un chien qui soit suffisamment menaçant pour se faire obéir du troupeau mais assez soumis pour ne pas « passer à l’acte » et tuer une bête… Son maître, le berger, doit pouvoir le rappeler à l’ordre et le faire s’arrêter d’un seul coup de sifflet.

En Afrique du Nord, on sélectionnait des lévriers pour la chasse à la gazelle, et on les utilise encore aujourd’hui pour leurs qualités d’endurance à la course, leur corps profilé et léger. Du loup, on a gardé et sélectionné l’endurance et l’obstination.

Combativité et endurance sont liées à l’instinct prédateur et sont nécessaires aux loups pour aller jusqu’à la mise à mort de la proie. Ce sont ces qualités que l’on a sélectionnées chez des chiens de combat comme le bulldog ou le pitbull. Crée spécialement pour combattre des taureaux dans les arènes, le bulldog attaque de front en se jetant sur le museau du taureau et en y restant accroché.

Les chiens de chasse, bien sûr, sont les premiers à « s’inspirer » des loups. On a particulièrement travaillé sur leur instinct de prédation. Les chiens courants donnent de la voix pour signaler la présence du gibier à leur maître, comme un loup préviendrait le reste de la meute de la présence de la proie convoitée. Mais l’homme a modifié l’instinct de manière à ce que le chien « respecte le gibier ». Les retrievers doivent le saisir doucement et le rapporter sans le mordre. Les chiens d’arrêt marquent l’emplacement du gibier mais doivent rester à distance sans attaquer. Dans le cas des chiens de terrier, l’instinct prédateur a aussi été modifié, mais différemment : à l’inverse du loup qui mord puis se retire afin d’éviter les coups donnés par la proie, le terrier les affronte sans peur, avec bravoure et au mépris des blessures, pouvant même aller jusqu’à la mort.

La main de l’homme a donc bel et bien modifié cet instinct fondateur du comportement des canidés sauvages qu’est l’instinct prédateur. Pourtant, en chacun de nos chiens domestiques sommeille un loup, et l’on peut toujours voir se réveiller le loup qui dort…

 

MARS 2007 : Fugues et vagabondages

Dans nos sociétés de plus en plus urbanisées, nos chiens vivent en milieu fermé. Espaces clôturés, petits jardins, appartements, chenil. Peu d’entre eux ont le loisir de courir chaque jour en pleine campagne. Dans ces conditions, le besoin et la nostalgie des grands espaces peuvent se faire sentir…

Du côté des loups

Une fois encore, les comportements des loups aident à décrypter ceux des chiens domestiques, y compris pour les animaux des villes.

Le territoire de chasse d’une meute peut atteindre plusieurs dizaines de kilomètres carrés. Les loups s’éloignent régulièrement de leurs tanières, parfois durant plusieurs jours, pour partir à la chasse. Ils partent en quête de proies pour se nourrir, ou de femelles pour s’unir et se reproduire. De longues excursions sont également un moyen d’explorer les alentours.

Le chien qui s’éloigne de sa maison pour aller voir ce qui se passe au-delà de son territoire suit donc un comportement inné, hérité des loups.

Pourquoi fuguer ?

Suivant son instinct, le chien va vagabonder à l’appel de stimuli extérieurs. Ceux-ci sont assez forts pour pousser l’animal à s’éloigner de ses maîtres, même s’il y est très attaché.

Parmi ces stimuli, on retrouve le besoin d’explorer qu’il tient des ancêtres sauvages. Il peut aussi partir à la chasse, attiré par une source de nourriture, l’odeur d’un animal blessé ou d’une charogne.

La rencontre d’autres chiens, particulièrement de chiennes en chaleur, est un motivation au voyage. Un tel bouquet d’odeurs, pour lui merveilleuses, peut l’entraîner bien loin de chez lui.

Certains chiens fuguent pour se rendre chez un voisin accueillant, qui lui donne à manger, joue avec lui ou possède des animaux qui l’attirent chez eux.

D’autres partiront sur les routes à la recherche de leurs anciens maîtres si on les a fait changer de vie pour diverses raisons (divorce, abandon, problèmes familiaux). Un chien victime de ses maîtres cherchera, malgré ce qu’ils lui ont fait subir, à les retrouver. Dans d’autres cas plus ponctuels, la peur de l’abandon peut pousser un animal à s’enfuir du chenil où ses maîtres l’auront laissé pendant leurs vacances.

On peut parfois trouver des chiens ayant quitté leur domicile à la suite d’une grosse frayeur. Dans ce cas précis, la fuite est une réaction instinctive au stress causé par un événement violent ou un bruit inattendu, tel l’explosion d’un pétard ou le tir d’un feu d’artifice. Orage, catastrophe naturelle ou tremblement de terre : le fameux « sixième sens du chien » peut parfois les détecter bien avant qu’ils ne se produisent.

Enfin (les cas sont heureusement rares), la fugue peut-être la conséquence d’un trouble pathologique grave, comme la rage ou les maladies cérébrales à un stade d’évolution avancé.

Mais à l’exception de ce dernier cas, le chien fugueur, même s’il s’éloigne beaucoup, n’oublie jamais le lien qui l’unit à ses maîtres et revient vers eux si rien d’extérieur ne l’en empêche.

Comment prévenir le vagabondage ? 

On peut tirer parti de la souplesse et des grandes facultés d’adaptation du chien pour l’habituer progressivement à rester dans un espace restreint.

Si votre chien doit vivre en appartement ou passer quelques jours dans un chenil, il faut l’habituer très tôt à vivre dans ces situations et à les accepter, même si ce ne sont pas des conditions de vie idéales. De longues promenades en plein air compenseront les frustrations causées par l’enfermement.

Le sentiment d’abandon est un facteur de stress et de fugue important, surtout chez les chiens qui n’ont pas fait, étant jeunes, l’expérience de la solitude. Là encore, mieux vaut habituer le chiot à votre absence un peu chaque jour, afin qu’il supporte sans stress une plus longue absence.

Pour les promenades et la vie quotidienne, adoptez des rythmes réguliers. Mieux vaut en effet alterner régulièrement enfermement et sorties, car les extrêmes ne feront que déstabiliser votre chien et accentuer ses tendances au vagabondage. Par exemple, certains maîtres pensent souvent compenser une longue période d’enfermement par une longue période de liberté totale, pendant le week-end ou les vacances. Or, loin de suivre cette logique, le chien, qui au cours de la première période se sera senti frustré et privé d’exercice, pourra chercher à s’enfuir pour rattraper le temps perdu. Ainsi, beaucoup de chiens citadins se retrouvent livrés à eux-mêmes durant les vacances, causant des dégâts aux troupeaux en montagne ou faisant des ravages parmi les animaux de ferme.

Votre chien est intelligent et prêt à s’adapter. En respectant ses rythmes de vie, en lui proposant régulièrement des périodes d’exercice, de jeu, des moments de complicité pour compenser les moments de solitude et d’enfermement, il peut apprendre à adopter vos règles. Un compromis entre vos activités, votre travail et son besoin de régularité et d’espace n’a rien d’impossible.

Lui, ce qu’il aime par dessus tout, c’est vous faire plaisir. Vous, vous pouvez sans trop d’efforts en faire autant pour lui… Et vos relations seront alors des plus harmonieuses.

 

AVRIL 2007 : Le chien et les odeurs

Par Julie DELFOUR

 Près de 200.000 cellules olfactives par cm² de surface sensible, contre seulement 5.000 chez l’homme. Des récepteurs sensoriels sur le museau détectant le moindre changement de température. La perception des odeurs chez le chien est bien supérieure à la nôtre.

 Communiquer et marquer son territoire

 L’odeur est essentielle à la communication entre chiens. Elle les informe sur les objets présents dans leur environnement, bien mieux que ne le ferait le seul contact visuel. Un flairage réciproque permet de déterminer de manière infaillible le sexe, l’âge, voire le statut social de l’autre.

En outre, le marquage par l’odeur est la carte de visite du chien, aussi unique que le sont nos empreintes digitales. La fonction excrétoire a un rôle qui va bien au-delà du simple soulagement physique. Et la sélection menée par l’homme en près de quinze mille ans de domestication n’a que peu modifié cette fonction naturelle.

Le marquage du territoire est un comportement inné, hérité des ancêtres sauvages, les loups. Mais dans nos sociétés urbaines, le territoire à marquer pour le chien devient…la maison de son maître.

 Le chien en maison ou en appartement

 Apprendre à son chien à faire ses besoins hors de la maison est facilité par un comportement hérité, une fois encore, des loups. En effet, les ancêtres sauvages ont transmis aux chiens leur capacité innée à nettoyer leur tanière. Une capacité favorisée par la sélection naturelle, puisque les individus tenant leur tanière propre étaient moins sujets aux maladies et donc plus aptes à se reproduire.

Par un phénomène de substitution dans l’esprit du chien, la maison du maître, ou la niche s’il vit à l’extérieur, devient vite sa tanière, et il fait naturellement en sorte de la garder propre. On retrouve ce même comportement chez d’autres animaux sédentaires, dont nos chats domestiques qui rechigneront toujours à souiller leur maison. Vers l’âge de deux mois, les chiots déposent urine et excréments le plus loin possible de leur lieu de vie.

 L’odeur du chien : sa carte d’identité

 Chaque chien possède deux glandes situées de part et d’autre de l’anus. Elles contiennent une phéromone, un signal chimique caractéristique, qui révèle l’identité de l’animal à un autre venu le renifler. Deux chiens qui se rencontrent vont commencer par se flairer mutuellement la région de ces glandes odorantes, et faire ainsi connaissance. Ils savent « d’une respiration », comme nous d’un regard, à qui ils ont affaire. Mais pour nous rien n’est aussi simple, et nous nous trompons bien plus souvent !

D’autres glandes font également office de marque identitaire. Elles sont placées entre les doigts et déposent une odeur lorsque le chien gratte le sol.

 Rendre son chien plus humain…

 Le monde des odeurs offre aux chiens de multiples possibilités d’expression et de communication. Il leur donne l’opportunité de se rencontrer et de faire connaissance. Il fournit des renseignements précis, très utiles pour deviner et cerner la personnalité ou les intentions d’un congénère.

Malheureusement, ces odeurs si riches de sens, si importantes dans la vie du chien, ne le sont pas forcément dans celle de son maître. Souvent, on s’efforce, sans en mesurer les conséquences, de rendre son chien…plus humain. Plus « olfactivement correct ». L’industrie des produits pour animaux s’empresse de répondre à ce désir de changer une odeur désagréable en une odeur plus convenable. Aussi trouve-t-on des shampooings pour chiens délicatement parfumés aux essences florales, des lingettes pour nettoyer les pattes après la promenade, et même une ligne de parfums… « Oh my dog ! », fleuron de la création pour chiens chics, vient imposer la meilleure des « bonnes » odeurs possible.

« Oh my dog ! »

 Ils sentent bon, certes. Mais seulement pour nous ! Car en ce qui les concerne, les narines de nos pauvres chiens ne sentent plus rien. Dans leur univers de chien, cette odeur délicieuse est un cauchemar. C’est toute leur vision du monde qui est perturbée. Mettons-nous un peu à leur place : impossible de se faire connaître ni de reconnaître l’autre, qui il est, ce qu’il veut, ce qu’il dit. Un peu comme si dans notre monde à nous, des chiens décidaient de brûler nos cartes d’identité, sous prétexte qu’elles sentent mauvais… De la science-fiction pourtant très proche de la réalité.

 Alors, quitte à renoncer à lui donner l’odeur d’un bouquet printanier, ne vaut-il pas mieux laisser à notre chien sa « propre » identité ?

 

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source www.julie-delfour.com